Bach, C.P.E (1714-1788) Sonates pour Connaisseurs et Amateurs. Pieter-Jan Belder.
Sonates, rondos et fantaisies wq.55-61
Pieter-Jan Belder, pianoforte G.Kobald d’après Walter.
Clavicorde G.Karman d’après Friederici.
Enregistré entre 2012-2013 à la Chapelle Kapucijner, Velp, Pays-Bas.
Brilliant Classics. 2013. 94486. 5cds.
Appréciation: Superbe *****
Sonate no.1 en do majeur wq.55 (pianoforte)
Sonate no.2 en fa majeur wq.55 (clavicorde)
«Après le dîner, écrit-il, je l’ai persuadé à se rasseoir au clavicorde et il a joué presque sans interruption jusqu’autour de onze heures du soir. Pendant ce temps, il est devenu si animé et comme possédé qu’il a non seulement joué mais a semblé comme quelqu’un d’inspiré. Ses yeux étaient fixes, sa lèvre inférieure tombante, et des gouttes d’effervescence perlaient sur sa personne. Il a dit que s’il avait eu à travailler souvent de la sorte, il redeviendrait jeune.» Charles Burney en visite chez Bach en 1772.
Imprévisible, déconcertante, transcendante. Ce sont les mots pouvant décrire la musique de CPE Bach. Sur les 875 œuvres du catalogue Helm, près de la moitié fut conçues pour le clavier solo.
On s’entend pour décrire le mot « clavier », tout ce qui touche au clavecin, le pianoforte et le clavicorde, instrument préféré de Bach. Petit en taille et en résonnance, son timbre intime et délicat rappelle parfois le luth. Le musicien a un contact direct avec les cordes frappées, et peut même, comme les guitaristes, créer un étonnant vibrato. Les pièces de CPE Bach sur cet instrument prennent parfois des intonations bizarres. Les humeurs changeantes et capricieuses du « maître de la sensibilité », trouvent en cette petite boîte de bois, un idéal compagnon de la solitude. Plus qu’une curiosité instrumentale, le clavicorde devient un prolongement de l’artiste. Et ses motivations deviennent comme à nues, dépouillées par l’instant éphémère de chaque son.
Par contre, le pianoforte séduit par la brillance de sa sonorité, par une carrure plus imposante. Instrument bien-aimé des salles de concert de cette époque, qui était beaucoup plus modestes qu’aujourd’hui, le pianoforte s’est taillé une place de choix auprès des compositeurs. La musique de Bach y trouve un médium puissant, d’où les rayons fusent de toute part. Peut-on entendre ces pièces sur un piano moderne? L’effet grandiloquent beaucoup trop emphatique d’un Steinway peut sûrement dénaturer les intentions du compositeur!
L’infatigable Pieter-Jan Belder (plus de 100 enregistrements!) s’exécute brillement dans cette intégrale fascinante du Bach de Hambourg. Publiées entre 1779 et 1787, ces sonates pour « connaisseurs et amateurs » se vendirent comme des « petits gâteaux » selon l’éditeur de l’époque. L’imagination sans fin de Bach et l’expressivité à fleur de peau sont bien rendues par le jeu vigoureux et plein d’affects de Belder. La prise de son vaste, captée dans une chapelle, permet aux notes de ces petits instruments de s’allonger dans l’espace. Parfois, le clavicorde émet des sons particulièrement saisissants dans la réverbération, comme si un vent étrange servait d’arrière-plan aux visions transcendantes de Bach. Ce coffre au trésor, plein de petites et grandes surprises, est à découvrir.
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