Mahler, Gustav (1860-1911). La 5e Symphonie. Orchestre Symphonique de Montréal. Rafael Payare.
Symphonie no.5 en do dièse mineur. 1901-1902.
Enregistré à la Maison Symphonique, Montréal en août 2022.
Ingénieur: Richard King. Coproduit par Carl Talbot.
Pentatone. 2023. PTC 5187067. 67m.
Appréciation: Sommet du Parnasse******
Trauermarsch (extrait)
Sturmisch bewegt (extrait)
Scherzo (extrait)
Adagietto
Rondo-Finale (extrait)
La cinquième symphonie de Mahler est souvent connue uniquement que par son admirable Adagietto. Elle est considérée comme l’une de ses plus personnelles, véritable livre ouvert sur sa propre vie, elle renferme tous les thèmes qui lui sont chers. Suite à une grave maladie où il est venu près de mourir, Mahler entreprit ce grand projet symphonique, écrit en cinq mouvements. On pourrait la décrire comme les cinq étapes d’une vie. La mort (Marche funèbre). Les combats (2e mouvement). Le désir de vivre (Scherzo). L’amour (Adagietto). La joie triomphante (Finale).
Rafael Payare, récemment nommé directeur artistique de l’OSM, prend la relève de Kent Nagano qui en fut le chef de 2006-2020. Très estimé à Montréal, Nagano est demeuré chef émérite et vient à l’occasion diriger l’orchestre le temps d’un concert. Après Decca et Analekta, c’est maintenant au tour de Pentatone de collaborer avec l’ensemble montréalais.
Le label néerlandais, reconnu pour la qualité de ses enregistrements, a produit ici un album digne des plus grands. La présentation du livret est somptueuse, les photographies, les textes tous traduits en français, l’analyse éclairante de l’oeuvre par le musicologue Guy Marchand, les noms de tous les musiciens participants; on n’a pas lésiné sur les détails importants. Mentionnons la présence de l’ingénieur Carl Talbot, qui a travaillé souvent à la Maison Symphonique, apportant son expertise à l’équipe de Pentatone. Bref, on est à des années-lumières des malheureux livrets d’Analekta!
La prise de son? Elle est d’une indéniable présence, à la fois englobante et détaillée. Les cordes, en particulier, sont mises de l’avant sans restriction. L’auditeur est littéralement plongé au coeur de l’action. Les différents tableaux prennent vie, gorgés de couleurs somptueuses. Au disque, Mahler a été souvent restitué de manière explosive et parfois stridente. À l’opposé, les ingénieurs de Pentatone ont réussi ici à adoucir les angles, offrant une écoute des plus agréables, et ce, malgré les passages parfois surchargés de musique par l’excessif Mahler!
L’interprétation? Rafael Payare charge l’orchestre d’une énergie irrésistible, sans jamais être outrancier ou en perte de contrôle. Il y a beaucoup de chaleur dans son approche, la cohésion et la rigueur n’y faisant jamais défaut. L’expression est juste, évitant la grandiloquence. Il sait capter l’attention par une direction ferme, gardant sous son pouvoir toutes les forces qui s’y meuvent. On sait à quel point la musique de Mahler demande un niveau extrêmement élevé d’exécution. Ici, l’OSM fait preuve d’une incroyable unité organique, jouant avec une implication nouvelle. Les musiciens semblent dynamisés (fugato début rondeau-finale!!!) et offrent également de splendides passages solos. La section des cors, digne de leur réputation, est d’une justesse particulièrement magnifique.
Pour le célèbre Adagietto, Payare a choisi un tempo plus léger, qui se lit plus comme un Andante. Mais ce qui m’a le plus fasciné, c’est la façon qu’il a d’en réciter le discours. À proprement parlé, comme si la musique prenait la forme d’une conversation, subtilement improvisée, comme une confidence. C’est si beau, prenant, on écoute les yeux fermés. Mahler parle avec son coeur et s’adresse à Alma, sa femme… Rafael Payare vient de nous convaincre totalement. Une ère nouvelle vient de se lever à Montréal. Un grand disque.
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