Archive for the Beethoven Category

Beethoven. Les 32 sonates. Paul Badura-Skoda.

Posted in Beethoven with tags on 19 décembre 2020 by René François Auclair

Johann Schantz, 1790 Vienne. John Broadwood, 1796 Londres. Anton Walter, 1790 Vienne. Georg Hasska, Vienne 1815. John Broadwood, 1815 Londres. Conrad Graf, 1824 Vienne. Caspar Schmidt, Prague 1830.

Enregistré entre 1980-89 au Baumgartner Casino, Vienne.

Arcana/Outhere. 2020. A203. 9cds.10h.06m.

Appréciation: Sommet du Parnasse******

Sonate op.10 no.3 (pianoforte J.Schantz 1790)

Sonate op.57 Appassionata (pianoforte Broadwood 1815)

Sonate op.101 (pianoforte C.Graf 1824)

Paul Badura-Skoda (1927-2019) a choisi sept instruments historiques pour interpréter Beethoven. Les pianofortes datent de 1790 à 1830, tous restaurés. Ils faisaient partie, pour la plupart, de la collection personnelle du pianiste. Ces enregistrements légendaires avaient disparu des catalogues depuis longtemps. On les retrouve avec joie, comme de vieux manuscrits que l’on avait perdu.

Jouer Beethoven sur des instruments de musée peut sembler casse-gueule de prime abord. On peut être rebuté par leur dureté de ton, leur manque d’amplitude, et l’impression qu’ils sont bourrés de défauts. Nos oreilles d’aujourd’hui sont depuis longtemps habituées à la perfection des pianos modernes. Mais c’est bien sur ces claviers imparfaits que le grand Beethoven a composé de si magnifiques pièces. Peut-être en aurait été t’il autrement s’il avait eu en sa possession un Steinway, un Bosendorfer ou un Yamaha? Je crois qu’écouter ces vieux pianos s’exprimer c’est s’approcher des intentions premières du compositeur. Ses sonates gagnent en intimité et en humanité. C’est comme se connecter directement sur sa rage de vivre, ses passions et ses secrets les plus personnels. Par ailleurs, ce que les pianofortes réussissent fort bien, est la caractérisation de ses humeurs les plus vives. Leurs sonorités croustillantes leur est unique. Et le côté humoristique de Beethoven n’a jamais été aussi bien servi que par les pianofortes.

L’éminent pianiste viennois, récemment disparu, a laissé un héritage important quant à l’interprétation historique de la musique de Beethoven. Le livret, très élaboré et passionnant, a été écrit par le musicologue Harry Halbreich. Ses commentaires sur chaque sonate sont inestimables. Véritable guide spirituel, il nous fait entrer en détails à l’intérieur de chaque oeuvre. La prise de son va dans le même sens, elle est d’une expérience immersive avec les instruments. On vit au sein de leurs charmes nostalgiques, des petits bruits de mécaniques imparfaites, du bourdonnement singulier des graves aux délicates intonations des aiguës, d’une maladresse parfois charmante. Il y a également une magie particulière des résonances et des harmoniques qui se produit lorsque le pianiste fait usage des différentes pédales. Ces instruments de collection possèdent encore une âme musicale qui leur est propre. Ils méritent qu’on leur accorde toute notre attention, car ce sont des témoins importants d’une époque révolue.

On voyage dans le temps à mesure que les sonates se développent, tout comme les instruments gagnent en profondeur et en expressions étonnantes. Badura-Skoda réussit à nous émouvoir, à pénétrer nos âmes. Son jeu naturel nous chavire, nous captive malgré la fragilité de ces antiquités. Dans le vieux salon feutré, tapissé de souvenirs, la silhouette de Ludwig semble se profiler au mur. Unique et indispensable.

Beethoven (1770-1827) Trios pour Clarinette. Trio Origo.

Posted in Beethoven on 23 novembre 2020 by René François Auclair

Trio op.11 Gassenhauer (1797)

Trio op.38 d’après le Septet op.20 (1802)

Asko Heiskanen, clarinette van der Poel, d’après Grenser, 1800.

Jussi Seppänen, violoncelle anonyme, 18e siècle.

Jerry Jantunen, pianoforte, copie d’après Stein, 1784.

Enregistré à Uusi Paviljonki, Kauniainen, Finlande en 2019.

Brilliant Classics. 2020. 96215. 60m.22s.

Appréciation: Superbe******

Scherzo Trio op.38

Adagio Trio op.11

Andante con variazioni Trio op.38 

Le Trio Origo, ensemble finlandais, présente ces trios de la première période créatrice de Beethoven dans une exécution à l’ancienne. Le pianoforte utilisé, une copie d’un Stein de 1784, est entouré d’une clarinette reconstituée à partir d’un modèle de 1800, et d’un violoncelle anonyme du 18e siècle. Cette formation d’instruments est plutôt inusitée. Trois textures variées, comme trois personnalités distinctes. Marteaux, vent et cordes pour nous raconter quelques petites histoires amusantes.

On apprécie les crépitements enjoués et exubérants du pianoforte. Celui-ci croque à pleine dent dans ces portées encore très mozartiennes. Il n’y a pas vraiment de vedette dans cette triade originale. Beethoven semble avoir donné à chacun des protagonistes une égale valeur. La complémentarité des musiciens est au rendez-vous. Le velouté magnifique de la clarinette et la souplesse de phrasé du violoncelle viennent attendrir les petites raideurs du piano ancien. Vivacité, lyrisme et expression pourrait définir chacun des instruments. Et la sonorité d’ensemble est sans reproche.

Beethoven savait s’amuser. Et les musiciens du Trio Origo nous ont communiqué cette joie avec un savoir-faire impeccable. Superbe.

Beethoven (1770-1827) Les Symphonies. Herbert Kegel.

Posted in Beethoven with tags on 1 novembre 2020 by René François Auclair

Les Symphonies no.1 à 9 (cd 1-5)

Triple Concerto. Fantaisie Chorale (cd 6)

Requiem de Brahms. (cd 8)

Oeuvres orchestrales diverses (cd 8)

Dresdner Philharmonie. Herbert Kegel, direction.

Enregistré à Lukaskirche, Dresde en 1982/83. (Enregistrements numériques).

Capriccio. 2018. C7275. 5cds. 6h.19m. Appréciation: Sommet du Parnasse******

Poco sostenuto-Vivace 7e symphonie

Larghetto 2e symphonie

Presto-Assai meno presto 7e symphonie

L’année 2020 nous a apporté, plus que jamais, de nouvelles interprétations des symphonies de Beethoven pour souligner son 250e anniversaire de naissance. Cette année, mentionnons le choc qu’a causé Adam Fisher (Naxos) en bouleversant les conventions, puis la surprise étonnement juvénile et vigoureuse de Marek Janowski (Pentatone). Ces chefs d’expérience ont su renouveler, à leur façon, le langage symphonique de Beethoven.

La redécouverte des enregistrements qu’a effectué Herbert Kegel (1920-1990) au début des années 80, nous ramène à une prestation plus traditionnelle, enregistrée dans la Lukaskirche de Dresde, réputée pour son acoustique légendaire. Capriccio a recompilé ces disques en 2018 dans un coffret abordable. On retrouve avec bonheur le son d’un orchestre d’autrefois, très massif et impressionnant. On perçoit en premier lieu, la plénitude des cordes chaudes aux vibratos généreux, aux sonorités de rêve, soyeuses et riches, jamais agressives dans tout cet espace. Violons, altos et violoncelles sont le coeur d’un orchestre, et ceux-ci chantent sans réserve, commandent l’émotion et l’action, imposent la tendresse ou la grandeur du discours. Les contrebasses et les timbales engloutissent parfois tout l’ensemble par leur puissance. On en ressent toutes les ondes de choc. C’est toute une expérience sur bonne chaîne audio!

Les sections des cuivres sont bien mises en place, un peu à l’écart, à l’arrière de la scène. Les cors, trombones, et trompettes résonnent de tous leurs feux dans la réverbération des lieux, captés d’une manière idéale. Il faut alors absolument écouter le groupe des cors du fameux Scherzo de l’Héroïque!

Herbert Kegel est connu comme un chef perfectionniste, réputé pour ses innombrables heures de travail auprès des musiciens. Il fut jadis l’assistant de Karl Böhm, et a eu une belle carrière, malgré son décès plutôt précoce à 70 ans. Il est l’un de ces chefs qui ont travaillé dans l’ombre d’un autre Herbert, Karajan de son nom, qui a dirigé sur sa propre personne tous les projecteurs du star système. Curieusement, c’est au Japon que Kegel fut le plus populaire.

Sa manière de diriger est façonnée à partir de tempos assez lents, d’un élan mesuré implacable et d’une verticalité métronomique régulière. Au sein de cette emprise absolue, se distingue toute la souplesse du chant, immense souffle musical que l’on reçoit en plein coeur.

Mon imagination est parfois stimulée inexplicablement lors de mes sessions d’écoute. J’ai eu l’impression ici de voir apparaître un grand navire sur les mouvements de l’océan, toutes voiles déployées. Cette vision m’est surtout apparue pendant l’extraordinaire septième symphonie. Lorsque le vent s’élève sur la mer, l’âme est soumise aux bouleversements de la tempête, et se conjugue vertigineusement aux profondeurs abyssales. Puis, le temps se calme, et se profile à l’horizon la plus belle lumière. C’est Beethoven qui nous invite à l’aventure humaine au travers de ses neuf merveilles du monde. Herbert Kegel et le Dresdner Philhamonie ont réussit à transmettre tout son art de la manière la plus grandiose qui soit. Chaudement recommandé.

Beethoven (1770-1827) Les Symphonies. Marek Janowski.

Posted in Beethoven with tags on 4 octobre 2020 by René François Auclair

WDR Symphony Orchestra and Chorus (Orchestre Symphonique de la Radio Ouest Allemande)

Enregistré à Kölner Philharmonie en 2018/2019.

Pentatone. 2020. PTC 5186860. 5cds.

Appréciation: Sommet du Parnasse******

Allegro con brio de la 3e Symphonie  »Eroica »

Allegro Vivace con brio de la 8e Symphonie

Tempo di Menuetto de la 8e Symphonie

Marek Janowski, chef d’expérience d’origine polonaise, qui a eu 81 ans cette année, présente un cycle Beethoven étonnant de vigueur juvénile, plein de santé et d’exubérance. Il a réussit à nous surprendre totalement là où l’on croyait avoir tout entendu. Sa direction est volontaire, palpitante et sanguine, mais d’un contrôle absolu sur l’orchestre du WDR Sinfoniker, qui sont tous ici d’admirables musiciens. Sa vision d’ensemble est axée sur le plaisir d’une musique qui bouge et qui vit sans ménagement.

Le souffle et l’humeur communicative de cette version sont particulièrement relevés par les brillants discours animés et irrésistibles des différentes sections d’instruments. Les entendre jacasser entre eux est un véritable bonheur! Ce coffret cuvée 2020 est une immense surprise. Il s’installe déjà au sommet des meilleures versions du grand catalogue des oeuvres de Beethoven. Santé et bonheur!