Quatuors no.3-6
Olga Ranzenhofer, Frédéric Bednarz, violons.
Frédéric Lambert, alto. Pierre-Alain Bouvrette, violoncelle.
Enregistré à l’Église St-Augustin de Mirabel, novembre 2015.
Atma Classique. 2016. ACD2 2737. 70m.19s.
Appréciation: Sommet du Parnasse ******
Debed du quatuor no.3
Argishti du quatuor no.6
C’est avec déférence que l’on doit s’approcher de la musique de Shoujounian. Elle est à l’image de ce monastère médiéval en Arménie, le Noravank construit au 13e siècle. Ce lieu de culte est encore debout, malgré le temps et les tourments d’un peuple qui a tout souffert. Il fait partie du patrimoine de l’Unesco depuis 1996. Il est l’un des symboles de résilience des Arméniens, qui ont presque tous disparus en 1915-1916 dans un génocide qui a laissé de profondes blessures…
Pour en souligner le centenaire, le compositeur canadien a puisé dans le répertoire sacré arménien. Il a enveloppé et construit autour de ces chants une musique fort belle, contemplative, spirituelle. Ce qui est, d’une certaine façon, tout à fait inespéré. Car devant l’horreur qu’un tel événement provoque, on s’attend plutôt à un déchaînement musical cacophonique et dissonant. Shoujounian va au-delà de ces considérations, et propose plutôt une musique axée sur la prière et la quiétude qu’un tel état d’esprit engendre. Portant tous le nom d’une rivière en Arménie, ces pièces sont aussi un hommage célébrant la culture de ce peuple très ancien. « Car l’eau est essentielle à la vie et les rivières sont les veines d’un pays… »
Le Quatuor Molinari est parfait pour créer les sonorités propices à l’envoûtement. Leur jeu précis et concentré est admirable dans la répartition des voix, unique et différencié à la fois. L’acoustique d’église est une merveille pour cette musique obsédante. Les yeux se ferment. Et après un certain moment, on se sent lié avec le destin de ce peuple attachant. Lorsque l’horreur frappe encore de nos jours, il nous reste la musique pour la transcender. Et préserver ce qu’il y a de meilleur en nous. Amen.