Archive for the Handel Category

Handel (1685-1759) Le Messie. Version 1751. Edward Higginbottom.

Posted in Handel on 20 décembre 2020 by René François Auclair

3 sopranos garçons du Choir of New College Oxford.

Iestyn Davies, contre-ténor.

Toby Spence, ténor.

Eamonn Dougan, basse.

Academy of Ancient Music.

Choir of New College Oxford.

Edward Higginbottom, direction.

Enregistré à St John’s, Smith Square, Londres en 2006.

Naxos. 2006. 8.570131-32. 2cds. 142m.19s. Appréciation: Superbe*****

Pifa, aria et Glory to God

Rejoice greatly! pour ténor

He shall feed his flock pour alto et soprano

His yoke is easy pour choeur

La genèse du Messie du Handel n’a rien de très romantique. C’est une affaire de business qui à l’origine d’une des oeuvres les plus populaires de tous les temps. Après l’hiver désastreux de 1740-41 et sa série d’opéras italiens au théâtre, son librettiste Charles Jennens eut l’idée d’un nouvel oratorio sacré pour renflouer leurs pertes financières. Jennens souhaitait que le Messie fut exécuté pendant la semaine sainte pendant que les représentations théâtrales étaient interdites. Ainsi, avec une oeuvre sacrée, il souhaitait une plus grande affluence du public. Handel se mit à la tache le 22 août 1741. Il finit le travail le 14 septembre suivant, soit en seulement 24 jours! Avec la même cadence effrénée, il entreprit tout de suite la composition de Samson qu’il termina juste à temps pour le début de la saison hivernale d’Irlande en novembre 1741. Le succès de Samson fut immédiat. Handel fut rassuré et prévu alors une représentation du Messie pour le 13 avril 1742 au New Musical de Fishamble Street de Dublin. Les recettes du concert furent généreusement données à des oeuvres de charité.

Handel adapta son oeuvre plusieurs fois par la suite selon l’occasion et en tenant compte des effectifs vocaux disponibles. C’est ainsi qu’il écrivit deux nouveaux airs pour la représentation de 1751 au Foundling Hospital de Londres. Cet orphelinat d’enfants trouvés fut fondé en 1739 par un officier de marine philanthrope. On y organisait des concerts et des expositions pour financer l’établissement qui accueillait jusqu’à 15000 enfants abandonnés! Ce furent des temps difficiles à Londres. On dit qu’en moyenne 30% des orphelins ne survivaient pas.

La version de Edward Higginbottom a reproduit l’effectif de l’exécution du 16 mai 1751. Il n’y a ici aucune voix féminine selon la tradition des choeurs anglais de l’époque. Trois garçons sopranos ont été choisi parmi le choeur d’enfants d’Oxford pour se partager les airs. Handel adapta ainsi l’air Rejoice greatly pour ténor en remplacement du soprano pour des raisons techniques évidentes. Certains passages tenus par les sopranos prennent tout leur sens, comme celui de la Nativité. On y retrouve une fraîcheur d’intention et une belle naïveté narrative qui convient bien au texte des Écritures.

L’interprétation d’ensemble est traditionnelle et respectueuse, supportée par l’ensemble prestigieux de l’Academy of Ancient Music sur instruments anciens. Le style est noble et ample. On a évité le côté dramatique d’une exécution trop théâtrale. La beauté et la justesse des interventions vocales sont à la hauteur, malgré le manque d’expérience des sopranos. Le choeur est lumineux comme il se doit, d’une qualité exceptionnelle digne de la grande tradition britannique.

Le Messie a rapporté à Handel fortune et gloire. Mais il lui a aussi permis de donner beaucoup en retour. Ce nouveau genre de l’opéra sacré lui a offert de sortir de l’église pour aller vers le public. C’est une oeuvre qui rassemble encore les gens aujourd’hui. Plus que jamais, nous avons besoin de ce Messie, à l’heure où nous sommes tous séparés les uns des autres. Il est devenu une œuvre charitable en soi pour nous réconforter et nous apporter quelques lumières.

Handel et Gluck. Care Pupille. Samuel Marino, soprano.

Posted in Glück, Handel with tags on 23 Mai 2020 by René François Auclair

Oeuvres de Handel (1685-1759).

Oeuvres de Gluck (1714-1787).

Orchestre du Festival Handel de Halle.

Michael Hofstetter, direction.

Enregistré à Volkspark, Halle en 2019.

Orfeo. 2020. C998201. 71m.36s.

Appréciation: Sommet du Parnasse******

Non sarà poco de Atalanta de Handel

Già che morir degg’io de Antigono de Gluck

Care pupille amate de Il Tigrane de Gluck.

Samuel Marino est unique en son genre. Il chante en soprano! Phénomène très rare de nos jours, puisque tous les castrats ont disparu depuis longtemps, le chanteur, né en 1993 au Vénézuela, est tout à fait incroyable. C’est une révélation. Non seulement grâce à son registre aigu ( j’ai noté un contre-ré!) d’une justesse étonnante, mais également par sa projection vocale d’une maîtrise technique rare, le souffle expressif et passionné, et quoi d’autre? En fait, il est un mystère de la nature qui demeure sans réponse!

Devant un tel talent, c’est le pouvoir de la musique qui triomphe. Handel et Gluck, grands maîtres du bel canto, ont ici un interprète idéal pour traduire l’émotion, le drame, le charme, et finalement la virtuosité la plus délirante qui soit. Incroyable et exceptionnel.

Glass et Handel. Anthony Roth Costanzo. Les Violons du Roy. Jonathan Cohen.

Posted in Glass, Handel with tags on 1 octobre 2018 by René François Auclair

614u5BEB1YL._SL1210_Oeuvres de Phillip Glass (n.1937) et G.F.Handel (1685-1759)

Les Violons du Roy, direction Jonathan Cohen.

Enregistré au Palais Montcalm, Québec.

Decca Gold/Universal Music. 2018. 00028948171903. 61m.53s.

Appréciation: Sommet du Parnasse******

Liquid days de Philip Glass

Stille amare tiré de Tolomeo de Handel

Hymn to the Sun (Akhnaten) de Philip Glass

Dès son apparition sur la scène de la Maison Symphonique, Anthony Roth Costanzo avait déjà le public dans sa poche. Souriant, petit de taille, fébrile et communicatif, il parlait aux spectateurs dans un français plus que respectable. Et lorsqu’il s’est mis à chanter, le contre-ténor américain nous a conquis pour de bon. Le volume sonore qui s’échappe de ce petit bonhomme est celui d’un grand!

Avec les Violons du Roy dirigé par Jonathan Cohen, nouveau directeur artistique, Costanzo venait présenter le tout nouvel enregistrement de leur collaboration. Pourquoi réunir Glass et Handel? Selon ses propres mots: « Handel m’a défini. Glass m’a transformé. » Leurs musiques, séparées par les siècles, se rejoignent pourtant par plusieurs aspects formels. La répétition des motifs simples et efficaces, l’amour de la voix humaine et la création de l’émotion pure sont communes aux deux compositeurs.

C’est là que Costanzo nous chavire. Il nous emporte avec lui dans l’univers mythologique de Handel et ses personnages, puis vers l’imaginaire mystique de Philip Glass, à la fois contemporain et intemporel. Ce balancement continuel dans le temps fait de ce disque une expérience nouvelle, inusitée, d’un alliage artistique unique.

La voix et la présence scénique de Costanzo sont conquérantes. Le contre-ténor vibre et vit toute cette musique. Il s’en accapare et en créé une chose qui lui appartient entièrement. Son timbre particulier nous fait penser au regretté Klaus Nomi, iconoclaste et inclassable individu de la scène allemande des années 80. Cependant, Costanzo possède la technique et le contrôle vocal des plus grands contre-ténors. À 36 ans, il est déjà en pleine maturité, et on s’étonne que ce soit seulement son premier disque.

Désormais, Les Violons du Roy ne peuvent plus être seulement classés dans le 18e siècle où Bernard Labadie les avait souvent confinés. Maintenant, les portes sont grandes ouvertes pour explorer tous les genres. Ce passage leur réussit très bien. On le discerne de belle façon dans l’extrait de l’opéra Akhnaten de Philip Glass. Dans cette pièce étonnante, Jonathan Cohen révèle subtilement des textures apparentées aux cordes baroques. Le mélange de genre fonctionne admirablement bien. Ce disque sera une révélation pour plusieurs.

The Handel Album. Philippe Jaroussky, contre-ténor. Ensemble Artatserse.

Posted in Handel on 17 octobre 2017 by René François Auclair

71I-H9u-ibL._SL1215_Airs d’opéras italiens de Handel.

Philippe Jaroussy, contre-ténor et direction.

Ensemble Artaserse.

Enregistré à Notre-Dame-du Liban, Paris en 2017.

Erato. 2017. 0190295759667. 71m.58s.

Appréciation: Superbe*****

Flavio hwv 16 (1723): Rompo i lacci 

Amadigi di Gaula hwv 11 (1715): Sussurrate, onde vezzose

Flavio: Bel contento

À l’aube de la quarantaine, Jaroussky nous offre un album tout Handel. On parle déjà, d’une manière prémonitoire, d’un testament définitif, d’un legs important pour les années à venir sur l’art de l’interprétation du chant baroque. Handel l’a développé. Jaroussky l’a perfectionné.

Sa voix androgyne étonne toujours par une panoplie de couleurs et d’expressions. Il maîtrise la virtuosité la plus délirante qui soit, traitée triomphalement à l’image des personnages qu’il incarne. Sa voix, incroyablement affûtée pour les plus airs les plus redoutables, fait fi de toutes les difficultés techniques, provocant l’admiration la plus complète.

Cependant, le disque aurait bénéficié de quelques intermèdes musicaux. Car la voix haut-perchée du contre-ténor, malgré ses qualités indéniables, finit par lasser l’oreille. Des micros placés trop près de l’artiste peuvent sûrement expliquer une partie du phénomène.

Enfin, Jaroussky a bien pris soin de nous épargner les trop célèbres Ombra mai fu, ou Lascia ch’io pianga repris souvent ailleurs. Il a choisi dans l’immense catalogue du maître de véritables trésors lyriques. Ils exploitent autant le talent extraordinaire de son interprète que toutes les émotions humaines. On rit, on pleure, on s’émerveille. Tous les drames de la vie et ses triomphes dans un seul et unique disque. Gloria alle Handel!