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Schumann (1810-1856) Les Symphonies. Staatskapelle Dresden. Christian Thielemann.

Posted in Schumann with tags on 15 août 2020 by René François Auclair

Symphonies no.1 à 4

Staatskapelle Dresden

Christian Thielemann, direction.

Enregistré à Suntory Hall, Tokyo en 2018.

Sony Classical. 2019. 19075943412. 2cds. 140m.

Appréciation: Sommet du Parnasse******

 

Lebhaft 1er mouvement Symphonie no.3 Rhenish op.97

Scherzo molto vivace Symphonie no.1 Spring op.38

Finale Allegro molto vivace Symphonie no.2 op.61

L’album a été enregistré au Suntory Hall à Tokyo, magnifique salle construite en 1986 et entièrement financée par la compagnie Suntory, géant industriel de liqueurs alcoolisées. Cette salle de 2000 places est réputée pour son acoustique et sa spatialisation en forme de  »terrasses de vignes orientées vers le soleil ». Disons le tout de suite: l’enregistrement de cette coproduction allemande/japonaise est extraordinaire. Pour moi, la seule façon d’écouter cet album nécessite un système audio de haute-fidélité digne de ce nom. Sinon, on rate complètement l’expérience, rien de moins. Pour en reproduire dignement toute la grandeur, autant de la musique de Schumann que de la présence imposante de la Staatskapelle Dresden, il faut avoir les moyens de ses ambitions. La musique classique a besoin des meilleurs médiums technologiques qui soient. Dans ce cas, Écoutez ou n’écoutez rien du tout! Les audiophiles les plus scrupuleux seront ici comblés au-delà des attentes.

L’orchestre est somptueux, en grandeur nature, large et profond. Les cordes, jamais agressives, toutes en rondeurs souples et généreuses, remplissent tout l’espace à elles seules. Les contrebasses, génératrices de basses fréquences irrésistibles, semblent provenir d’un sol très profond, donnant parfois l’illusion que le plancher se dérobe sous nos pieds! L’étagement des instruments se perçoit facilement, les vents, les cuivres, les timbales, chacune des sections bien à sa place. Et bien sûr, on ne manque rien des timbres, des textures, des résonances qui se déplacent dans l’air, et se prolongent perceptiblement dans une réverbération contrôlée et juste. C’est du grand art de la sonorité maîtrisée, made in Japan, si l’on peut dire.

Christian Thielemann (n.1953) est un grand chef de style traditionnel, jadis assistant de Karajan, qui ne lésine pas sur les forces de son orchestre. Tout est superlatif, d’une impression massive, parfois un peu lourde, mais d’une puissance jamais prise en défaut. Tout ce que vous avez souhaité entendre d’un grand ensemble se retrouve ici, dirigé par un maestro à la hauteur de la réputation des anciens chefs que la tradition nous a imposé!

Ce que j’aime particulièrement de son interprétation est le travail sur les tempos qu’il fait sans cesse fluctuer pour bien traduire les impressions de la musique de Schumann. Véritable guide sur un sentier, il ralenti parfois l’allure pour qu’on l’on puisse admirer certains détails qui nous échappaient auparavant. Ce chef conduit sa troupe comme bon lui semble, énergise les phrases ou les suspend brièvement, contrôle la masse orchestrale ou l’assujettie à de délicates sonorités d’une beauté toute simple.

À propos de la deuxième symphonie op. 61, je crois que Thielemann a bien compris cette oeuvre particulière de Schumann. Écrite en 1845 après une grave dépression, Schumann avouera qu’il n’était pas très en forme au moment de la composition, sauf pour les deux derniers mouvements où  »il était un peu plus lui-même ». Cette symphonie est celle du combat désespéré de l’esprit sur la maladie, comme en fait foi quelques passages à vide, ses motifs répétés inlassablement, ou par les plaintes trop lancinantes de l’Adagio espressivo. Thielemann prend bien son temps pour en dévoiler toute la souffrance du compositeur, sans égard pour l’auditeur qui doit se résoudre à être patient pendant ces longues dix minutes! Mais au final, je n’ai jamais entendu une aussi convaincante résolution de la symphonie. La lumière apparaît enfin, et la coda grandiose est un moment de triomphe extraordinaire. Une arrivée au sommet bien méritée, après avoir vécu intensément les épreuves de Schumann. Celui-ci termine son chemin de croix dans une finale pleine d’espoir.

 

Schumann, Robert (1810-1856) Waldszenen, Nachtstücke, Humoreske. Zoltan Fejérvari.

Posted in Schumann on 26 avril 2020 by René François Auclair

Scènes de la Forêt op.82 (1849)

Pièces de Nuit op.23 (1839)

Grande Humoresque op.20 (1839)

Enregistré à Domaine Forget, St-Irénée en 2018.

Atma. 2020. ACD2 2816. 65m.37s.

Appréciation: Très Bien****

L’Entrée, Fleurs Solitaires, Adieu tiré des Waldszenen op.82

Sehr lebhaft et Mit einigen Pomp de l’Humoresque op.20

Zum Beschluss (Résolution) de l’Humoresque op.20

Zoltan Fejérvari (n.1986) est un pianiste hongrois. Il est le grand lauréat de l’édition du Concours International de Montréal de 2017. J’avais assisté à l’une des sessions éliminatoires. Le pianiste a fait son entrée sur la scène de la Salle Bourgie, plutôt élancé, un grand aux cheveux bouclés. Il s’est mis à jouer du Lizst, et dès lors, on a perçu que quelque chose se passait autour du clavier. Son langage corporel était différent des autres concurrents. Il semblait très détendu, absorbé par la musique, s’exécutant avec aisance. Pour lui, transposé la musique se fait de manière naturelle. J’étais content d’apprendre par la suite qu’il avait gagné le Concours.

À l’écouter dans Schumann, il confirme ce que nous savions déjà. C’est un pianiste brillant, intelligent et très à l’écoute de la partition. En fait, il sait comment raconter une histoire. Avec Schumann, le musicien nous guide à travers ces Scènes de la Forêt et en trace finement les gravures comme à la plume d’encre, digne de Gustave Doré.

Son jeu est détaillé, d’une étonnante technique. Les mains du pianiste semblent détachées, complètement indépendantes, parfois même légèrement déphasées l’une de l’autre. Fejérvari peut ainsi se permettre des libertés subtiles, en révélant des images impressionnistes. Les Pièces de Nuit et la Grande Humoresque sont des oeuvres que l’on aime moins chez Schumann. Il faut bien prendre le temps d’en faire la lecture pour en apprécier leur contenu. Il faut souligner ici le travail d’écriture de Irène Brisson qui a élaboré le livret. Ces pages un peu abstraites sont ainsi mieux éclairées. Poésie et musique. Voilà l’essence de Schumann.

 

Schumann, Robert (1810-1856) Intermezzi op.4 et Sonate op.11. Tullia Melandri, pianoforte.

Posted in Schumann with tags on 17 août 2019 by René François Auclair

Six Intermezzi op.4 (1832)

Sonate en Fa dièse mineur op.11 (1835)

Tullia Melandri, pianoforte Joseph Simon, Vienne, 1830.

Enregistré à Schuilkerk de Hoop, Diemen, Pays-Bas en 2018.

Dynamic. 2019. CDS7842. 55m.26s

Appréciation: Sommet du Parnasse******

Allegro moderato de l’Intermezzi no.5

Introduzione et poco Adagio de la sonate op.11

Tullia Melandri joue sur un authentique pianoforte du facteur viennois Joseph Simon. L’instrument de 1830, très bien préservé et restauré, correspond à la période créatrice des oeuvres de Schumann présentées sur cet album.

La prestation de la pianiste italienne mérite tous les éloges. Intelligence dans la présentation de phrasés sans cesse mouvants et imprévisibles, robustesse du ton général, sensibilité et poésie… C’est du Schumann, pur et dur, rêveur ou rageur. Sa musique est à l’image de ses alter ego Florestan et Eusebius, personnages poétiques qui représentent la bipolarité musicale chez Schumann. Il a d’ailleurs dédicacé sa sonate op.11 à sa chère Clara sous ces deux noms imaginaires. Cette oeuvre d’envergure, riche en contrastes, est de nature presque symphonique. Elle préfigure les grandes oeuvres à venir. Elle contient déjà tous les éléments typiques de Schumann. On s’étonne qu’elle soit encore peu entendue en concert.

La sonorité du Joseph Simon est fantastique. On est en face d’un instrument qui possède une âme. Ce n’est pas un médium fragile et peu sonore. Il y a au contraire une grandeur, une amplitude rare pour cette antiquité qui date près de 200 ans…On n’a jamais l’impression d’un pianoforte qui peine à reproduire les intentions du compositeur. La prise de son est judicieuse, ni trop près, ni trop loin. Elle transmet parfaitement la subtilité et la somptuosité de l’instrument. Véritable voyage dans le passé, cet album est nécessaire pour retrouver vivant, l’art de Robert Schumann.

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Schumann, Robert (1810-1856) Le Concerto pour violon en ré mineur. Isabelle Faust.

Posted in Schumann with tags on 22 avril 2015 by René François Auclair

71fZ6rB0CoL._SL1000_Concerto pour violon en ré mineur.

Trio pour piano op.110 no.3 en sol mineur.

Isabelle Faust, violon Stradivarius 1704.

Jean-Guihen Queyras, violoncelle G.Cappa 1696.

Alexandre Melnikov, pianoforte J.B.Streicher 1847. Enregistré au Teldex Studio, Berlin en 2014.

Freiburguer Barockorchester. Pablo Heras-Casado, direction. Harmonia mundi. 2015. hmc902196. 61m.37s. cd/dvd.

Appréciation: Sommet du Parnasse ******

Premier mouvement du concerto en ré mineur

Concerto mal-aimé ou mal compris? Le violoniste Joseph Joachim, qui en avait fait la commande à Schumann en 1853, l’avait jugé inapte à l’interprétation. Même Clara Schumann l’exclura du catalogue de son mari. Le manuscrit resta entre les mains de Joachim, qui en interdira la publication dans son testament pendant…100 ans!

Ainsi, une funeste réputation plana au-dessus de ce concerto en ré mineur, dernière grande composition de Schumann, alors grandement affecté de troubles mentaux. Ce n’est qu’en 1937 qu’il revit le jour. On le considéra alors injouable par plusieurs violonistes. Quelques modifications furent apportées pour le rendre plus accessible. En 1988, Thomas Zehetmair le repris selon le manuscrit original. Et un peu plus tard Gidon Kremer avec Nikolaus Harnoncourt. Malgré cela, le concerto est demeuré sous-estimé et mal perçu. Isabelle Faust et l’orchestre baroque de Fribourg vont désormais changé notre façon de voir les choses…

L’interprétation que nous avons ici est tout à fait sensationnelle. Isabelle Faust est d’un raffinement sonore exceptionnel. Sa virtuosité de haute voltige, combinée aux accents baroques de l’orchestre, redonne à ce concerto difficile d’approche, une fidèle et passionnante lecture. Le drame de Schumann et son combat des derniers jours de sa lucidité ne nous a jamais semblé aussi frappant. Du premier mouvement, réputé pour sa lourdeur, mais ici repris avec tant d’élan et de souffle, est maintenant d’une clarté admirable de pensée et d’émotion. Il y a cette impression de grandeur au travers d’une terrible tragédie. La perte de la raison d’un créateur, d’un homme d’exception. À peine peut on y percevoir quelques faiblesses répétitives… Et finalement, Schumann donne à ce concerto, en forme libre d’une fantaisie, une conclusion heureuse, dansante, triomphante. Une redécouverte.