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O’Regan, Tarik (n.1978) Letters of Rights. Chamber Choir Ireland. Paul Hillier.

Posted in Fennessy, O'Regan with tags on 28 mars 2021 by René François Auclair

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A Letter of Rights (2015) Livret par Alice Goodman.

Triptych de David Fennessy (n.1976).

Chamber Choir Ireland.

Irish Chamber Orchestra. Paul Hillier, direction.

Enregistré à Chapel All Hallows à Dublin en 2018-19.

Naxos. 2020. 8.574287. 68m.20s.

Appréciation: Sommet du Parnasse******

A Letter of Rights (extrait) »Parchment! not vellum, sheep not calves ».

Letter to Michael de David Fenessy

Hashima Refrain (extrait) de David Fenessy

Voilà un album étonnant qui met en relation de très anciens textes, des lettres, graffitis et poèmes, glanés sur une longue période de l’humanité. Le manuscrit de la Magna Carta de 1215, écrit à l’encre gallois sur un parchemin, est à l’origine de la Charte des droits et libertés d’aujourd’hui. Pour célébrer les 800 ans de cet important manuscrit, dont une copie est toujours conservée à la Cathédrale de Salisbury, il fut demandé au compositeur Tarik O’Regan de créer une oeuvre originale. Les textes, agencés par Alice Goodman, mettent également en perspective la confection ancienne du parchemin d’agneau. Les détails parfois crus de cette technique ancestrale sont exposés sans pudeur dans la chair et le sang. Il ne restera que la peau de l’animal sacrifié. C’est sur ce support que seront inscrits les principes et les lois de la Grande Charte. Selon l’auteure, le parchemin d’agneau symbolise qu’il n’y a pas de liberté sans sacrifice.

Les autres textes se retrouvent dans Triptych de David Fennessy. Letter to Michael a été écrit par l’artiste allemande Emma Hauch (1878-1920). C’est un extrait d’une série de lettres écrites à son époux pendant qu’elle fut internée en psychiatrie pour démence. Les mots Komm, komm Michael, Herzenschatzi Komm (Viens mon chéri) sont réinscrits en répétition sur toute une page, tellement, qu’elle est noircie par le crayon. Cette lettre est devenue une oeuvre d’art en soi, un appel à l’aide déchirant, piégé dans une sorte de boucle temporelle infinie. La musique est aussi dense que ténébreuse. Aussi puissante que l’art vocal de György Ligeti.

La deuxième partie de ce triptyque est inspiré par Orlando di Lassus (1532-1594) dont Fennessy a repris quelques passages d’un Miserere (Aie pitié de moi Seigneur). Le compositeur a voulu représenter le cas de personnes amnésiques qui ne vivent qu’au présent, dans une sorte d’état de conscience parallèle. Débutant à la manière de di Lassus, la pièce devient de plus en plus troublante, chaotique. Elle se libère finalement de ce cycle oppressant et retourne progressivement dans les tonalités pures et apaisantes de la Renaissance.

La dernière oeuvre, Hashima Refrain, est inspirée d’un graffiti que l’on a retrouvé sur un bâtiment de la ville insulaire de Hashima au Japon. Cette ville minière a été complètement abandonnée en 1974. Il ne reste que des vestiges fantômes de la vie et du passage du temps. Quelqu’un a inscrit sur un mur ces paroles: « Cette île ne reviendra jamais, jamais à la vie. » Fennessy a joint à ce poème une ode japonaise du 10e siècle qui raconte avec une nostalgie plaintive les beaux moments de la vie passée. Le texte bouleversant, écrit par une femme, se termine ainsi: « Les buissons sauvages ont poussé au dehors de la maison, que plus personne ne vient visiter. Et mes larmes couleront comme des goûtes d’eau sur les feuilles. »

O’Regan et Fennessy utilisent à la fois les modes anciens et l’essai de nouvelles techniques vocales parfois déstabilisantes. Les effets sont saisissants, comme ces motifs d’écho dans Hashima Refrain, et révèlent le sens des mots et des contextes. La voix humaine demeure un instrument aux capacités fascinantes. L’exploration de ce médium musical est quasi illimitée. On peut y exprimer à peu près tous les états d’âme. De sa rébellion en quête de liberté, de son désarroi et sa souffrance, de sa solitude et la perte du temps, le genre humain est représenté par les musiques de Letters. Avec ses thèmes de sacrifice et de rédemption, cet album peut servir de passage rituel à la vie et à son renouveau perpétuel. Il peut se ressentir comme une Passion des temps modernes. Paul Hillier, chef d’expérience, véritable artisan de la voix humaine, dirige à la perfection les différents intervenants. Essentiel.

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Herzensschatzikomm

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