Brahms (1833-1897) Intermezzi op.117/ Klavierstück op.118-119. Lars Vogt.

Posted in Brahms with tags on 10 février 2023 by René François Auclair

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6 Pièces pour piano op.118 (1893)

4 Pièces pour piano op.119 (1893)

Enregistré à Deutschlandfunk Sendesaal en novembre 2002.

Ingénieur: Karl-Heinz Stevens.

Warner Classics/EMI. 2023.5419749879. 70m. (format numérique).

Appréciation: Sommet du Parnasse******

Intermezzo op.117 no.1

Intermezzo op.118 no.2

Intermezzo op.119 no.1

Le pianiste allemand est décédé en septembre dernier d’un cancer du foie. Il avait 51 ans. Lars Vogt s’est fait connaître comme soliste, puis chambriste avec Christian et Tanja Tetzlaff, mais également comme chef d’orchestre. Il a produit un volume considérable d’enregistrements qui ont été souvent louangés. La Warner Classics a récemment réédité ce volume consacré aux dernières oeuvres pour piano de Brahms, sans doute pour rendre hommage à ce pianiste d’exception. Produit en 2002, alors par EMI, Vogt était déjà considéré comme un favori pour interpréter Brahms.

Pour jouer ces oeuvres crépusculaires, Vogt s’est limité à la confidence la plus intime du compositeur. Des tempos extrêmement lents font figure d’une procession quasi funéraire. Le toucher est parfois à peine enfoncé sur les notes, produisant un effet émotif à fleur de peau, d’une mélancolie rêveuse. Brahms alors à la fin de sa vie, contemple avec nostalgie son passé, ses amours, ses souvenirs personnels. D’ailleurs l’opus 119 fut dédicacé à Clara Wieck-Schumann, amie et confidente du compositeur dont il fut jadis profondément amoureux.

Ces pièces solitaires sont magnifiques, traduites par le musicien de la manière la plus poétique qui soit. En les écoutant, elles semblent se dissoudre et prendre l’aspect d’un in memoriam. Triste et beau comme un masque mortuaire, comme semble le suggérer la pochette de l’album. RIP Lars Vogt (1970-2022).

Schubert, Franz (1797-1828). Schubert revisited. Matthias Goerne. Deutsche Kammerphilharmonie Bremen.

Posted in Schubert with tags on 28 janvier 2023 by René François Auclair

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Lieders arrangés pour voix et orchestre par Alexander Schmalcz.

Matthias Goerne, baryton.

Deutsche Kammerphilharmonie Bremen.

Enregistré à Kammer-Philharmonie en 2019.

René Möller, ingénieur.

DG. 2023. 4839758. 75m.

Appréciation: Sommet du Parnasse******

An Silvia D 891 d’après Shakespeare

Ganymed D 544 de Goethe

Erlkönig D 328 de Goethe

Alinde D 904 de Rochlitz

C’est mon coup de coeur en ce début d’année 2023. La voix somptueuse de Matthias Goerne est ici accompagnée par l’orchestre de chambre de Brême. Les arrangements sont d’Alexandre Schmalcz, tous adaptés des partitions originales pour piano, qui redonnent aux oeuvres de Schubert un souffle nouveau. Schmalcz spécifie qu’il a préservé antant que possible le matériel d’origine, en n’ajoutant pratiquement aucune note. L’instrumentation est bien pensée et imaginée, suivant de près les ambiances distinctes des lieder.

Matthias Goerne, né en 1967, est aujourd’hui l’un des schubertiens les plus estimés. Il a eu comme pédagogue, nul autre que le grand Dietrich-Fisher Dieskau (1925-2012), dont le nom est associé à Schubert depuis toujours. Pour cet enregistrement particulier, Goerne a dû se placer devant l’orchestre, qui est sans chef, pour à la fois diriger et chanter, secondé par le concertmaster Florian Donderer.

Pour cette captation, on a accordé à la voix de Goerne une présence indéniable, dont on perçoit même les respirations entre les phrases. Ses qualités vocales sont entières, d’une belle variété de couleurs et d’expression. D’une sombre gravité jusqu’à de lumineux aigus parfaitement maîtrisés, l’artiste nous plonge autant dans l’action que dans la poésie aux multiples visages de Schubert. L’orchestre de Brême est superbement bien balancé, et ne vient jamais nuire aux déclamations du baryton.

Seule déception au disque, les traductions des poèmes ne sont qu’en anglais. Les textes, écrits par les plus grands poètes de l’époque, sont l’essence même de ces lieder. On peut toujours retrouver leurs équivalents français sur le net.

Ce disque est si beau, prenant et exaltant. Voix et orchestre se fusionnent au service de Schubert. Ses lieder pourraient se décrire par la simplicité de leur lyrisme, accompagnés d’un foisonnement d’idées musicales des plus surprenantes. Cette nouvelle orchestration leur donnent un aspect prophétique qui préfigure parfois Wagner ou Mahler. Sublime.

Bruckner, Anton (1824-1896) Symphonie no.4 Romantique. Version III 1888. Altomonte Orchestra. Rémy Ballot.

Posted in Bruckner with tags on 30 décembre 2022 by René François Auclair

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Symphonie no.4  »Romantique » en Mib majeur.

Version III de 1888. Édition Benjamin Korstvedt, 2004.

Altomonte Orchester St-Florian. Rémy Ballot, direction.

Enregistré à la Basilique St-Florian, Haute-Autriche, août 2021.

Ingénieur: John Gladney Proffitt.

Gramola. 2022. 99261. 79m.27s.

Appréciation: Sommet du Parnasse******

Ruhig bewegt

La célèbre quatrième symphonie de Bruckner a connu un long cheminement. Conçue en 1874 puis rejetée par le compositeur, elle subit par la suite plusieurs remaniements, jusqu’à sa forme définitive de 1888. Lors de sa genèse, Bruckner en proie au doute et à la dépression, voyait avec  »horreur une composition bourrée d’imitations... »

Le temps et le travail arrangeant les choses, il retourna à sa composition en 1878 et en changea considérablement plusieurs passages, en particulier le Scherzo et le Final. Le chef Hans Richter la dirigea donc pour la première fois à Vienne en 1880. Le succès fut phénoménal. Et puis, fort des réussites des symphonies subséquentes, Bruckner repris le travail une dernière fois, avec quelques modifications et des indications très précises. Cette version III fut utilisée par les grands chefs de l’heure, comme Walter, Fürtwangler et Knappertsbusch pour être ensuite mise de côté. Ce n’est qu’en 1996 que le musicologue Benjamin Korstvedt la ressortit des archives et la réédita en 2004.

Le chef Rémy Ballot reprend cette dernière version pour l’enregistrement live de août 2021 au sein de la grande basilique St-Florian. La version III diffère sensiblement de la deuxième, Bruckner ayant gardé essentiellement tous les passages qui avaient été recomposés. Il en a modifié un peu l’instrumentation, fait quelques coupures, et ajouta des annotations en ce qui a trait à la dynamique. Ainsi, l’indication de tempo du premier mouvement fut changée pour Ruhig bewegt, (de manière calme).

Rémy Ballot a offert à cette symphonie tout le temps voulu pour la magnifier par de longues phrases qui s’épanouissent dans la réverbération de la cathédrale. L’effet est grandiose, supporté par un souffle continu. Sa vision de l’oeuvre demeure celle du respect noble et sacré de la musique de Bruckner. Le choix de tempis lents produisent des climax d’une grandeur indescriptible. L’émotion côtoie souvent l’exaltation. Il faut citer ici la grande coda de la Finale, particulièrement réussie, qui progresse lentement comme sur une échelle de Jacob jusqu’à l’apothéose.

À défaut d’être analytique ou ciselée de contrastes palpitants, cette interprétation est à l’image de la tradition. S’élevant au sein d’une atmosphère mystique, cette Romantique est l’une des plus visionnaires de la discographie.

Schubert (1797-1828) Symphonies 8 et 9. Gewandhausorchester. Herbert Blomstedt.

Posted in Schubert on 23 décembre 2022 by René François Auclair

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Symphonie no.8 Inachevée en Si mineur D.759 (1822)

Symphonie no.9 La Grande en Do majeur D.944 (1825)

Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Herbert Blomstedt, direction.

Enregistré en novembre 2021. Ingénieur: Bernhard Guettler.

DG. 2022. 4863045. Cd1:26m.04s Cd2:61m.41s.

Appréciation: Superbe*****

Allegro moderato de la Symphonie no.8

Andante con moto de la Symphonie no.9

Herbert Blomstedt, figure légendaire de la direction d’orchestre, reprend à 94 ans les deux dernières symphonies de Schubert. Quarante ans auparavant, il avait gravé, avec la Staatskapelle de Dresde, l’intégralité de ces oeuvres. Pour ma part, cet album est resté un incontournable dans la catégorie des interprétations sur instruments modernes. Blomstedt fait partie de ces gardiens de la tradition qui n’a pas été encore touché par l’historiquement bien informé. Dans son cas, il ne faut pas chercher la nouveauté à tout prix, mais plutôt la valeur sûre des grandes interprétations romantiques qui ont marqué la discographie. Sa présence devant le Gewandhaus de Leipzig (fondé en 1743!) fait figure de moment historique, et peut se voir comme un ultime legs de la grande tradition musicale germanique.

La différence est appréciable entre les deux versions. La première était chargée d’émotions, la deuxième porte maintenant un regard placide sur ces oeuvres magistrales. La musique reste la même, mais l’impact dramatique est moindre. Au lieu de nous interpeller vivement, Blomstedt nous invite plutôt, une dernière fois, à contempler ces chefs-d’oeuvre. Évitant de s’engager dans les contrastes abruptes, il laisse la musique s’exprimer par elle-même.

La prise de son, d’une incomparable douceur, semble couvrir l’orchestre d’un voile invisible. Il y a des moments magnifiques où les cordes apparaissent comme dans un rêve, (Andante con moto de la 9e). Tous les autres instruments sont bien enrobés, en particulier les contrebasses, d’une étonnante profondeur.

Au final, la Deutsche Grammophon a produit un disque digne de leur réputation. En invitant un vénérable chef et le Gewandhaus à se joindre à Schubert, cet album fait figure d’exception. Chaudement recommandé.